Le Dr Jeremy Groves est anesthésiste au Royal Hospital de Chesterfield. Depuis sa plus tendre enfance, son mode de déplacement favori est le vélo. Après un passage forcé à la voiture, à la suite de la perte de son vélo dans un accident, il décide récemment d’abandonner ce qu’il appelle son « engin à combustion interne » et de se rendre à nouveau en vélo à son lieu de travail, distant de 43,5 kilomètres.
Son choix se porte d’abord sur un vélo classique au cadre en acier, qu’il achète d’occasion pour un peu plus de 50 euros. Après 6 mois d’utilisation, il se dit qu’un vélo plus moderne pourrait lui permettre de réduire son temps de trajet, jusqu’à 10 % peut-être, comme le lui suggèrent certains de ses amis. Le gouvernement vient justement de mettre en place une mesure exceptionnelle de détaxe, applicable à l’achat d’un vélo neuf de haut de gamme destiné à une utilisation quotidienne et professionnelle.
Et c’est alors que notre confrère s’aperçoit que les vendeurs de vélo ne sont pas très préoccupés par le concept « d’evidence based cycling ». Si certains vélos sont qualifiés de meilleurs, aucun vendeur n’est en effet capable de lui détailler les performances comparatives de chaque engin. Il opte quand même finalement pour un vélo au cadre en carbone, plus léger que son vélo habituel, et dont les roues et les pneus sont aussi allégés, le tout pout 950 £ (plus de 1 100 euro), en plus de la prime gouvernementale. Il se prend alors à rêver d’un trajet accompli en un clin d’œil et au temps supplémentaire gagné à se prélasser dans son lit. Et il remise son ancien vélo au garage.
Sur le compteur électronique de son nouvel engin il enregistre un jour son record, 43 minutes pour un trajet. Notre confrère est tout heureux. Jusqu’à ce qu’une crevaison l’oblige à reprendre son ancien vélo qui, un matin, le transporte en … 44 minutes. Il se demande alors si c’est cette minute gagnée, qui lui a coûté 950£, ou si cette performance est le fruit du hasard, et décide d’en avoir le cœur net. Il mènera son essai, randomisé, en ouvert, n=1, entre mi-janvier 2010 et mi-juillet 2010, et comparant le temps de trajet avec un vélo classique au cadre en acier, pesant 13,5 kilos et le vélo au cadre en carbone pesant 9,5 kilos.
Et notre confrère doit bien se rendre à l’évidence, il n’y a pas de différence dans ses moyennes enregistrées. Ce résultat va à l’encontre de ce qui est généralement admis et le Dr J Groves a son explication. La réduction du poids du vélo de 30 % paraît conséquente, mais si l’on estime le poids total, vélo + cycliste, l’on arrive seulement à une réduction de 4 %, beaucoup moins effective vis-à-vis des forces contre lesquelles le cycliste doit lutter (gravité, frottements, résistance contre le vent, conditions de la route, etc.).
Aujourd’hui, le Dr J Groves est revenu à son ancien vélo en acier, aussi rapide, valeur sûre et auquel il attribue plus de caractère. Et après avoir tiré de cette histoire une leçon sur l’influence que peut avoir le marketing sur notre consommation, cet amateur de vélo termine en citant Lance Armstrong, 7 fois vainqueur du tour de France et auteur d’un livre à succès, « It’s not about the bike ».